Témoignage déposé le 14/05/2022
J’ai 24 ans et mon conjoint 27. Nous avons décidé d’avoir un enfant car nous sommes heureux ensemble depuis 5 ans, avons un job stable tous les deux et sommes propriétaires d’un appartement.
Idéalement nous voulions même 2 enfants. Je précise cela, c’est important pour moi car j’ai tellement lu et entendu que l’HG était mental/psychologique, qu’il touchait les femmes qui « refusaient » malgré elles leur bébé, que j’avais presque fini par y croire, me remettre en cause, me demander « je suis si jeune, est-ce qu’il était vraiment voulu? ». Alors voilà, je commence mon témoignage comme ça : oui mon couple est solide, notre amour est fort, et le désir d’avoir un enfant AUSSI ! Mais à ce moment-là j’étais loin d’imaginer ce qui allait m’arriver.
Puisqu’il s’agit d’une première grossesse, dès que mon test a été positif, j’ai ressenti un mélange de bonheur intense, mais aussi de peur. Peur de l’inconnu total. Alors j’ai posé beaucoup de questions à mon médecin, puis j’ai laissé faire la vie. J’ai commencé à avoir quelques nausées et vomissements vers la 3e semaine. Pour cela tout mon entourage était empathique, mon médecin comprenait et qualifiait cela de normal, et les femmes de ma famille/ amies me disaient être aussi passées par là donc je subissais sans me plaindre, en trouvant quand même qu’elles avaient été particulièrement courageuses tant ça me paraissait difficile, à moi.
Puis plus les semaines défilaient, plus mon état se détériorait. A partir de la 6e semaine, ça a commencé a devenir vraiment très difficile, je vomissais de plus en plus et les nausées étaient de plus en plus présentes, à tel point que je me demandais pourquoi on les qualifiait de « matinales » puisque dans mon cas, elles me suivaient à longueur de journée ! Ma mère a compris assez rapidement que mon état n’était pas normal, et en faisant quelques recherches sur internet, grâce à l’histoire de Kate Middleton, a posé un mot/une maladie sur ce qu’il m’arrivait : hyperémèse gravidique.
Je n’ai pas pris cela trop au sérieux, on trouve de tout sur internet et je pensais qu’une maman s’inquiète toujours beaucoup pour rien donc je n’ai pas creusé (je n’étais surtout pas en état !). J’attendais que mon premier trimestre se termine, puisque qu’apparemment c’est à ce moment-là que tout se « remet en place » dans notre corps, que c’est juste hormonal.
Mais plus les jours passaient, plus je vomissais, même l’eau… c’était pire, j’avais soif mais je n’arrivais même pas à boire un verre sans courir aux toilettes 5 minutes après. Il y a certains jours où je ne pouvais avaler qu’un yaourt, en plusieurs fois, et que je vomissais, en plusieurs fois aussi, 6, 7, 10 fois… Puis du sang quand je n’avais vraiment plus rien dans l’estomac.
Je ne vois pas beaucoup de femmes parler de cela, c’est peut-être plus délicat, plus « tabou », mais pour ma part, les jours sans vomir n’étaient guère mieux puisque j’avais des diarrhées inimaginables. Au point de ne plus savoir dans quelle position me tenir tant mon ventre me faisait souffrir. Et c’est aussi quelque chose dont je tenais à parler. Parce que quand les aliments ne passent pas, ils ne passent pas. Je compare souvent ma grossesse à « une grosse gastro de 9 mois », pour que ça parle un peu aux autres, qu’ils s’imaginent cet enfer.
C’est à ma 9e semaine que j’ai été diagnostiquée HG par mon médecin et enfin mise en arrêt de travail. Cet arrêt a duré jusqu’à la fin. Psychologiquement, je pouvais enfin souffler un peu sans me contraindre à devoir aller travailler, en plus de toute cette souffrance. Mais être isolée, ne voir personne, ne penser qu’à la maladie fût très dur aussi. Mon médecin, ma mère et mon conjoint ont été mes 3 principaux piliers, tellement bienveillants et compréhensifs. Ils m’ont écoutée, soutenue, assistée du début à la fin et grâce à eux j’ai réussi à arriver au bout de cette épreuve.
Vers ma 17e semaine, j’ai réussi à me réhydrater (en commençant par sucer des glaçons), puis à grignoter quelques petits aliments, surtout sucrés. A ce moment, j’avais perdu 15 kilos depuis le début. C’était difficile pour moi de me regarder dans un miroir et de ne voir qu’un corps amaigri, qui paraissait presque sans vie alors que justement il était en train de la construire… Personne autour de moi ne remarquait ma grossesse.
Je fais partie des « chanceuses » qui ont connu un léger mieux, ou plutôt pour lesquelles l’état s’est stabilisé à un moment donné.
Effectivement, vers ma 20e semaine jusqu’à la fin, je me suis retrouvée à vomir environ une fois par semaine et à avoir des nausées 2 ou 3 fois par semaine (c’est encore trop, on est d’accord !) mais mon moral a beaucoup joué, j’ai réussi a trouvé une force en moi que je ne connaissais pas, peut-être celle de mon enfant, qui m’a poussée à me battre.
Durant toute cette période, le pire pour moi a été mon rapport avec les aliments, ou plus particulièrement, mon odorat. Je pouvais devenir hystérique rien qu’à l’idée d’oignons en train de cuire (mes poils se hérissent en écrivant cela !). Une odeur de café, d’ail, de viande, ou même de chocolat avait le don de me mettre dans des états pitoyables. C’est devenu ma hantise. Quasiment phobique. Mais je peux également citer mon gel douche, parfum, crèmes, odeur de mon chéri, de mes chats, des gens en général ! J’ai donc bien sûr banni beaucoup d’aliments de chez moi, au grand désespoir de mon conjoint, pour me nourrir exclusivement de pâtes, riz, pain et yaourts. Résultat : fin de grossesse -16,4 kilos. Comment voulez-vous que je puisse fournir la force nécessaire à un accouchement ? Pourtant c’est l’événement que j’attends avec la plus grande impatience. Aujourd’hui, je commence mon 9e mois, et je rêve de me débarrasser de ce placenta, qui m’a pourri la vie. Je ne veux plus jamais revivre tout cela. JAMAIS
Quels ont été vos 2-3 plus grands défis ou besoins pendant votre grossesse ?
BESOIN : Le soutien, être crue par les professionnels de santé et être très entourée de ses proches. Même avec un conjoint très compréhensif et une maman plus qu’attentionnée, je me suis parfois sentie seule ! (donc je n’ose même pas imaginer celles qui ont vécu cet enfer sans soutien).
DÉFI 1 : Résister aux nausées, celles qui font qu’on ne peut pas se lever de notre lit, qu’on passe une journée complète dans le noir, avec un gant de toilette d’eau froide sur le front. Que la moindre lumière (volet entrouvert, écran de téléphone, lampe de chevet) semble nous transpercer le crâne. Ces journées-là sont très longues, très douloureuses.
DÉFI 2 : Ne pas culpabiliser d’aller mal. Je me suis souvent demandée si mon bébé allait bien, en me voyant maigrir je ne pouvais m’empêcher de penser qu’il ne se développait pas comme il faut. Mais c’était de la torture inutile puisque de toute manière je ne pouvais rien y changer… Les échographies ont prouvé que tout se passait presque normalement pour lui. La culpabilité me rattrapait aussi quand je me suis rendue compte vers 5 mois qu’aucune affaire de bébé n’était achetée, je n’avais pas la force de préparer sa venue et de me projeter. Donc la peur d’être une mauvaise mère m’a vite envahie. Heureusement, une psychologue m’a beaucoup aidée.
Que voudriez-vous dire aux autres sur HG et ses conséquences ?
Il ne faut pas qu’elles aient honte de dire que c’est une MALADIE. Ça ne doit pas être un tabou de mal vivre sa grossesse, de ne pas l’aimer. Ce n’est pas leur enfant qu’elles rejettent, mais l’état dans lequel elles se trouvent. Donc elles ne doivent pas culpabiliser, peu importe les décisions qu’elles prendront ou les choix qu’elles feront (difficulté à se projeter avec bébé, IVG pour certaines). C’est leur corps, elles en font ce qu’elles veulent et si elles jugent qu’elles sont à bout, qu’elles le disent, alors c’est qu’elles le sont vraiment !
Elles devraient essayer de côtoyer des professionnels qui connaissent l’HG et être hospitalisées/sous perfusion si possible. Puis consulter un psychologue pour parler de tout ça une fois en état de le faire (même après accouchement, il faut absolument vider son sac). Bravo à celles qui combattent ça, vous êtes de vraies warriors, soyez fières.