Témoignage déposé le 23/10/2020
L’hyperémèse gravidique. Il m’a fallu du temps pour mettre un nom sur ce que je subissais et qui n’était PAS des nausées matinales costaudes.
2013 – Je consulte ma médecin pour ce que je pense être une gastro. J’ai un stérilet et balaie l’idée que je puisse être enceinte. Quelques jours plus tard et un test positif en mains : je suis enceinte. J’ai décidé d’avorter et il me faudra subir des nausées H24 pendant les 7 jours de réflexion alors obligatoires avant mon avortement. Après la prise du médicament, je rentre chez moi et…je vomis. Je me dis que ces nausées et vomissements aussi puissants sont liés au stress de cette grossesse non désirée.
2016 – Nous voulons un enfant. Je tombe enceinte très rapidement. Bonheur immense. C’est l’été, ma grossesse commence avec les vacances : randonnées, vélo…je suis très active. Puis du jour au lendemain, les nausées m’assaillent, m’écrasent. Je vomis. Mais ce dont je me souviens surtout ce sont les nausées. Implacables. Epuisantes. Sportive, j’arrête la course à pieds. J’essaie de continuer la piscine mais je me trouve rapidement dans l’incapacité de toute activité. Mes journées de travail sont un enfer, une épreuve quotidienne. Je manque de planter ma voiture dans le décor de fébrilité. Après une intervention professionnelle en public dont je sors épuisée, je demande un arrêt à ma gynéco. Une semaine. Puis, je reprends le travail, avec un sac plastique dans mon tiroir au cas où je ne puisse me rendre jusqu’aux toilettes. Toute odeur m’est insupportable : celle du lino au boulot, celle de la moindre nourriture, celle de mes collègues et, le plus dur à accepter, celle de mon conjoint. Je vis avec un grand saladier à mes côtés. La nuit, je me réveille en sursaut et l’attrape pour vomir dedans. Je vomis ce que je mange, mais ne pas manger me fait vomir. Je perds du poids. Je fais des recherches sur internet et trouve des témoignages de femmes qui ont connu des maux identiques. Je n’ose pas solliciter ma médecin, je me dis que je suis douillette et que ça passera.
Et ça passe – un peu – après le 4ème mois de grossesse.
2019 – Nous voulons un deuxième enfant. Je tombe à nouveau enceinte rapidement. Bonheur immense. Malgré les témoignages lus selon lesquels les nausées sont souvent pires au fil des grossesses, je me dis que chaque grossesse est différente et en effet, je ne ressens pas de nausées…les trois premières semaines. Puis, du jour au lendemain, je ne digère plus, je tangue, et rapidement, je vomis. Comme lors de ma précédente grossesse, mon visage est tuméfié par la violence des vomissements. Je me souviens de ma 1ère grossesse alors je me force à manger un tout petit peu, miette par miette, et à boire. J’achète des traitements au gingembre en pharmacie. Inutiles. Après avoir manqué de vomir devant mes élèves et mes collègues, je contacte ma médecin. Elle me prescrit un arrêt et du Donormyl. Le cauchemar continue. Je suis tellement atteinte que je n’arrive plus à lire. Je suis allongée avec à mes côtés mon saladier pour recueillir mes vomissements. J’ai besoin de dormir mais quand je me réveille je vomis. Si je ne dors pas, je vomis. Je ne peux plus m’occuper de quoi que ce soit à la maison. Et surtout je ne peux plus m’occuper de mon fils de 3 ans et demi.
Pour éviter le bruit qui me fatigue, les odeurs qui me font vomir, je me reclus dans notre chambre, au lit, avec mon saladier. Je suis un zombie. Je me lave tous les 3 jours car je ne tiens plus debout. Je ne me lave plus les cheveux car c’est trop fatigant. Je pêle de partout tellement je suis sèche.
J’ai installé un pot de chambre de fortune à côté du lit pour ne pas avoir à sortir de la chambre , l’odeur du couloir me faisant vomir. Mon conjoint m’emmène faire les prises de sang pour la grossesse avec mon saladier. Il me soutient car je ne tiens plus debout.
Mes urines sont foncées, ma médecin me demande d’aller aux urgences de la maternité. Je suis hospitalisée une semaine pour déshydratation. Les infirmières sont sympathiques mais impuissantes. J’entends derrière la porte « Ah non, pas de plateau c’est une vomisseuse ! » Un pas de plus dans le cauchemar. Je continue de vomir : une perfusion de zophren me permettra de me remplumer un peu, puis de rentrer chez moi avec du Primperan (en suppo pour ne pas le vomir), un nouveau traitement que je supporte mieux.
Petit à petit, entre le traitement et l’avancée de la grossesse, je reprends des forces. Je m’installe dans un transat dans le jardin. Petit à petit, je retrouve des capacités : écouter la radio, échanger quelques sms voire quelques mots au téléphone.
J’ai été arrêtée et sous traitement tout le reste de ma grossesse. Mon état s’est considérablement amélioré après le 5ème mois, mais j’ai continué de vomir jusqu’à la naissance, ponctuellement, et des nausées d’intensité supportables m’ont accompagnées jusqu’à la fin de la grossesse.
Aujourd’hui maman de deux enfants, j’ai été assaillie de questions intérieures dès la naissance de notre deuxième enfant : est-ce que ce sera notre dernier enfant ? j’aimerais tellement avoir trois enfants…mais puis-je supporter à nouveau cette maladie ? Est-ce que je tiendrai physiquement ? Est-ce que je souhaite traverser ça à nouveau ?…
Nos relations avec mon fils ont été sérieusement malmenées. Mon accouchement a été médicalisé car mes abdos ont lâché lors de la grossesse, peut-être à cause de la violence des vomissements. J’aimerais profondément accueillir un troisième enfant mais aujourd’hui je crois que cela me mettrait en danger ainsi que ma famille.
Lorsque j’ai cherché de l’aide lors de ma précédente grossesse sur ce que je traversais, je suis tombée sur un ouvrage (très connu et très diffusé!) qui disait que les nausées et vomissements sont somatiques et révèlent un refus inconscient d’accueillir le bébé. Je suis tellement furieuse que l’on puisse encore dire et lire ça aujourd’hui ! J’ai la chance d’avoir été soutenue, en premier lieu par mon conjoint, et d’avoir les capacités de prendre du recul. Je remercie très chaleureusement toutes les femmes d’hier et d’aujourd’hui qui témoignent, diffusent de l’information sur ce sujet et œuvrent à faire avancer la recherche sur cette maladie.
Lorsque j’étais hospitalisée, j’ai demandé à l’un des médecins – un jeune homme – pourquoi la recherche ne se penchait pas sur nos maux. Il m’a répondu que c’est certainement parce qu’on en meurt pas. Je n’ai alors malheureusement pas pensé à lui répondre que les hommes ne meurent pas non plus d’impuissance mais qu’on a pourtant pas tardé à trouver une petite pilule bleue pour faire bander…
Bon courage à toutes.
Nous avancerons ensemble.
