Témoignage déposé le 15/05/2024
Une grossesse sous Hyperémèse Gravidique
« Tu as bonne mine », « La grossesse te va bien »…
Mais savez-vous vraiment ce qui se cache derrière ce sourire ? Dans une société où la grossesse est toujours décrite comme un moment heureux, épanouissant pour la femme, me croyez vous si je vous dis que je viens de vivre les 36 semaines les plus dures de ma vie ?
Petit retour en arrière… (…)
Mes nausées ont commencé avant même le test de grossesse… Comme une cuite permanente, mais à ce stade, la joie de voir notre famille s’agrandir prédomine.
La joie a très vite laissé place aux vomissements, incontrôlables, en nombre… épuisants.
A ce stade, je travaillais, sans réduire mon rythme, en serrant les dents pour tenir la cadence, en gardant en tête qu’un arrêt de travail mettrait en péril mon cabinet. Les semaines ont passé, mon état s’est détérioré : impossible de manger, de boire. Le peu d’aliments que mon corps accepte repartent aussitôt.
Très vite, je sélectionne : la compote de pomme est plus facile à vomir que le fruit, on en est là.
Souvent je me dis que c’est trop dur, que je ne tiendrai pas. Je n’arrive plus à m’occuper de ma fille, qui, du haut de ses 3 ans, me caresse souvent le bras en me disant « ça va aller maman ». Mon mari me voit dépérir, déprimer, impuissant. Les pleurs prédominent, et la joie d’accueillir ce petit être disparaît.
Mon gyneco ne m’écoute pas. Perte de 6kg en 3 semaines ? « Ce n’est pas grave madame, vous êtes en surpoids, ça ne peut pas vous faire de mal ». La voix qui change de tonalité à cause d’un œsophage brûlé par les reflux ? « Pas grave, je vous prescrit des cachets ». Des dizaines de vomissements par jour ? « Pas grave, il existe la Doxylamine + Pyridoxine ». Mais bien sûr ! 35e par boîte, non remboursés, avec un effet somnifère puissant, comme si c’était réjouissant de passer sa vie dans une coquille, en état de somnolence constant.
À 20 semaines, dénutrie et très affaiblie, j’atterris dans le cabinet de mon médecin traitant. Heureusement mon mari est à mes côtés, comme toujours. Et le verdict tombe : « Si vous aviez eu une fracture, je vous aurais prescrit un plâtre. A l’instant T, vous êtes épuisée, je vous prescris du repos ». Enfin un médecin à l’écoute, qui ne me dit pas « C’est dans votre tête ».
La question du cabinet revient encore : comment payer les charges en arrêt ? Mais pour la 1ere fois, je perçois dans les yeux de mon mari de l’inquiétude, de la peur, et j’accepte de lâcher prise. Mon arrêt sera prolongé jusqu’à mon congé maternité. La banque accepte de suivre et m’octroie un prêt à la consommation. Et oui, on en est là en France quand on s’arrête en tant que libéral…
Les 16 semaines suivantes ont été rythmées par les nausées, les vomissements qui ont persisté jusqu’à l’aube du 3ème trimestre. Cette sensation de pierre dans l’estomac, de brûlure de l’œsophage, les muscles abdominaux qui ont tellement souffert qu’une hernie ombilicale apparaît, le syndrome de Lacomme, la fatigue, tout contribue à faire flancher un peu plus le moral. Je vois dans les yeux de mon mari une lueur d’espoir quand j’arrive à finir mon assiette, 1 fois sur 3.
Je profite de mon arrêt pour faire des projets. Je tiens à aménager moi même les chambres de mes enfants : une chambre arc en ciel pour ma fille, et une chambre de bébé pour ce petit garçon qui va nous rejoindre en juin. J’y mets le peu d’énergie qu’il me reste, un petit pas chaque jour. L’Hyperémèse m’a volé la joie de la grossesse, des instants précieux avec ma fille, elle ne me volera pas la joie des préparatifs.
Je vois les semaines avancer, me rapprochant d’une délivrance tant attendue. Ma tête tient, mon corps, lui, a lâché depuis longtemps. Certains jours, je pleure en silence, ou dans les bras de mon homme. Mais je m’efforce de sourire et de vivre à un rythme différent, un jour après l’autre, pour eux, mon mari, ma fille et ce petit être qui grandit au creux de mon ventre.
Suivie pendant des semaines par la psy, abandonnée par mon gynéco, et soutenue par mon médecin traitant, j’ai appris à faire de cette expérience une force.
Aujourd’hui, rien ne peut m’atteindre, je serais capable de gravir l’Everest 2 fois, et j’avance chaque jour avec mes douleurs, mon vécu, mais avec le sourire et ce sentiment d’avoir survécu. Grâce à mon mari, un homme en or qui ne m’a jamais lâchée, qui m’a littéralement portée et entourée de tellement d’amour. Grâce à ma fille et à son innocence. Certains amis sont restés bienveillants et aimants. D’autres se sont éloignés… C’est la vie.
Dans 4 semaines tu seras là, et notre aventure à 2 s’achèvera, pour laisser place à notre vie à 4.
Sache le mon fils, tu es attendu… Et tellement désiré.
À toutes les femmes qui souffrent pendant leurs grossesses : battez-vous pour être écoutées, vous avez le droit de dire que ce n’ est pas une partie de plaisir.
