Témoignage déposé le 07/03/2024
J’ai appris que j’étais enceinte assez rapidement, en juillet 2021. Grossesse gémellaire. À 7SA, nous avions à peine eu le temps d’annoncer l’heureuse nouvelle à nos familles que celle-ci se transforme en terrible nouvelle. En une semaine je perds 7kg. Au début je suis contente, je me dis qu’il s’agit du symptôme de grossesse dont tout le monde parle. Et que ça finira par passer. Je vomis nuit et jour. 10-20 fois par jours. Y compris le ventre vide, puis du sang jusqu’à la fin de ma grossesse.
Je reprends le travail une semaine, contre l’avis de mon beau-père qui est médecin généraliste et très inquiet de mon état. J’étais à 12SA. Le samedi 18 septembre 2021 nous faisons la première échographie. Nous apprenons que j’attends une fille et un garçon. Je ne m’en réjouis pas car je suis au plus mal. Je ne retournerai plus jamais au travail. Je perdrai mon poste. Mes collègues ne comprennent pas. Certains disent que j’exagère et que je profite d’être enceinte pour être en arrêt. Alors que je finis par ne plus du tout percevoir de salaire et même à perdre beaucoup d’argent… Car les médicaments et hospitalisations coûtent chers.
J’ai déjà essayé beaucoup de médicaments mais rien ne fonctionne. Gingembre non. metopimazine non. metoclopramide non. doxylamine non plus.
Le mardi 28 septembre 2021, je n’ai aucun souvenir de ce moment mais je peux le raconter grâce à mon compagnon. J’ai encore passé une journée à vomir. À avoir la nausée en permanence. Tout ce que j’ai pu boire ou manger est ressorti directement. Mon compagnon rentre du travail vers 18h. Il m’appelle, je ne réponds pas, je ne l’entends pas. Il vient dans la chambre, il me retrouve au fond du lit. Les yeux enfoncés. Le teint gris. La bouche sèche. Une odeur d’acétone envahi la pièce. Je ne réponds toujours pas. Il pensait que j’étais morte avec ses deux enfants dans le ventre. Il appelle son père, qui lui dit de m’amener directement aux urgences. Il me parle, je reprends conscience mais répond à côté. Je ne suis plus vraiment là.
Aux urgences on me demande des informations, je suis si faible que je ne suis pas capable de répondre aux questions. On me pèse, on me demande ma taille, IMC à 16. Je suis en sous poids. Au moment de prendre mes constantes, les soignants se rendent comptent que j’ai une arythmie cardiaque. On me met tout de suite sous perfusion de réhydratation. J’apprends plus tard en regardant les bilans sanguins que je fais une hypokaliémie. Le potassium sérique est inférieur à 2 mmol/l. Je suis tellement faible que je suis incapable de comprendre ce que tout cela signifie. Je prendrais conscience plus tard, que j’ai frôlé l’arrêt cardiaque ce soir-là, si mon compagnon ne m’avait pas amené aux urgences.
Je reste toute la semaine en hospitalisation. On me fait une perfusion de metoclopramide et on me donne de la doxylamine mais les vomissements continuent et les nausées ne s’arrêtent jamais. On me met une perfusion de Chlorpromazine. Je suis complètement shootée. Je n’arrive plus à me réveiller. Je peine à rester éveillée, mais au moins je ne vomis plus. J’ai interdiction de boire. J’ai tellement soif. J’avais faim car je n’avais pas mangé depuis + de 4 jours mais c’était plus supportable. La soif par contre, c’était terrible.
Une infirmière vient me retirer la perfusion de Largactil pour que je puisse aller me doucher. Je me lève doucement et une fois dans la salle de bain, tout se met à tourner autour de moi. Très vite. Je m’écroule au sol. Je fais un malaise. L’infirmière passera dans la chambre et me trouvera au sol évanouie et m’aidera à reprendre conscience, me ramènera dans mon lit, re branchera la perfusion de Chlorpromazine. Je me rendors.
J’avais la sensation d’être morte. D’être un corps sans vie, sans passion, sans joie, sans aucune émotion. Je n’étais ni triste, ni heureuse. Je subissais. Sans me poser de question.
Une personne passera dans la chambre et me demandera si ma grossesse est désirée, s’il y a des soucis dans mon couple, si j’accepte le fait que ce soit des jumeaux. Et on me dit qu’à 13SA je peux encore avorter. Alors que nous avions déjà choisi les prénoms. J’ai demandé à avoir une échographie pour s’assurer que les bébés allaient bien, on me l’a refusé.
Le jour de ma sortie on me donne des pâtes et une compote. Le retour en voiture est un cauchemar. À peine arrivée, je vomis le peu que j’avais mangé. Ventre vide depuis plus d’une semaine… J’ai toujours soif. J’ai le ventre creux à 14SA alors que j’attends des jumeaux.
On me fait une ordonnance de sulpiride et de doxylamine que je prendrais jusqu’à la fin de ma grossesse mais sans effet sur mon HG.
Je vais vomir jusqu’au dernier jour de ma grossesse. Je supplie mon gynécologue par téléphone pour avoir de l’ondansétron. Il refuse. Je lui dis que je vomis du sang tous les jours. J’ai faim et soif. Je ne peux même plus me doucher, me maquiller, lire ou faire le ménage, sans faire des malaises. À mes copines qui me trouvaient toujours trop belles, il ne faut pas se fier aux apparences… Je tournais autour des 7 ou 8 de tension tous les jours. Je ne peux même pas préparer l’arrivée de mes bébés. Je ne peux rien faire sans vomir.
Tout au long de ma grossesse j’ai entendu »les bébés vont bien c’est l’essentiel »… Et moi alors ? Tout le monde s’en moque ? Je suis en train de dépérir. Oui. Tout le monde s’en moque.
À 34SA j’ai accouché, césarienne en urgence. J’avais de très grosses contractions mais j’étais tellement épuisée, en bout de course que je ne m’apercevais pas de l’imminence de la situation. Les bébés souffraient des contractions que je leur infligeais en vomissant. Mon col était déjà ouvert en arrivant à la clinique pour l’examen de contrôle. Je n’avais pas mangé depuis le 14/02. Nous étions le 19/02.
J’ai accouché trop tôt. Encore un echec. Je n’ai pas été capable d’avoir une grossesse heureuse et en plus j’accouche trop tôt. Mes bébés naissent, je les vois 10s à peine puis ils sont transférés au CHU de Toulouse en réanimation… sans moi. Ils étaient en détresse respiratoire. J’ai pris conscience de la gravité de la situation quelques mois après en voyant les vidéos que mon chéri avait faites d’eux. Je n’ai pu voir et toucher mes bébés que 24h après leur naissance, qui ont été transférés pour la deuxième fois dans une autre clinique sans que nous n’en étions informés. Nous allons rester trois semaines en néonat dans cette troisième clinique.
Je peux enfin me réalimenter. Mais il a fallu réapprendre et le faire par étape. Car je m’étais habituée à mastiquer longtemps mes aliments pour qu’ils soient le plus facile à vomir possible. Rapidement je n’avais plus faim et la nausée arrivait. J’ai mis deux ans à récupérer un poids correct pour ma taille.
Plusieurs fois pendant ma grossesse on m’a dit que mon HG pouvait être liée à mon anorexie et ma peur phobique de grossir. Et j’aurais sincèrement aimé grossir plutôt que de finir en insuffisance pondérale.
Pendant les trois semaines en néonat j’ai absolument tenu à allaiter mes jumeaux pour créer un lien qui n’a pas pu se faire pendant la grossesse et à l’accouchement. J’ai réussi. Malgré leurs sondes gastriques.
Je n’arrêtais pas de pleurer. Je n’arrivais pas à en parler. Une psychiatre est passée deux semaines après, elle ne connaissait pas l’HG et a essayé de psychologiser la pathologie, mais il y avait aussi la prématurité, la peur de voir ses bébés mourir à la naissance, la gémellité, une complexité qui avait l’air de la dépasser tant ma détresse était immense. Elle m’a conseillé d’aller voir une psychologue en sortant de la maternité, comment faire sans aide avec deux bébés prématurés à tire-allaiter toutes les deux heures ? Et pour être encore incomprise ? Ma thérapie c’est d’en parler, de sensibiliser et d’aider les femmes qui sont victimes d’HG. D’apporter le soutien et l’écoute que j’aurais aimé recevoir par moment. C’est pourquoi je suis devenue ambassadrice de l’association en mars 2023.